Vivre
La vie en couple. N’est-il pas intéressant de voir tous ces gens qui se tiennent la main et se câlinent dans la rue, dans un cinéma, dans un bar ou même chez vous.
« Tire toi » lui dis-je. Il n’a pas compris. Elle non plus d’ailleurs. Est-ce que je l’ai réellement hurlé, ou bien ce sourire hypocrite que j’aborde a-t-il caché ce hurlement qui a résonné à l’intérieur de ma tête ?
Quelqu’un a un jour dit : Les femmes, on ne peut pas vivre avec elles, on ne peut pas vivre sans elles. Il n’avait aucune idée de ce qu’il disait. C’est bien pire que ça. Je n’arrive plus à comprendre ma manière de concevoir les choses. Il suffit que je me retrouve seul pour que je repense à lorsque que j’étais avec elle.
Elle. Grand mot, et pourtant si petit. Il désigne un certain nombre de personne (ne pas confondre avec « un nombre certain » dont la signification est différente), et pourtant une seule revient plus souvent que les autres dans mon esprit. Je ne la nommerai pas. Non, je me suis promis de ne plus penser au passé.
Et pourtant, je ne sais m’empêcher d’y repenser, de voir ces images surgir dans mon esprit. J’ai envie de partir, d’aller courir, courir pour laisser ces peurs derrière moi, tenter de les fuir pour la Nième fois consécutive. Je le sais, je ne courrai jamais assez vite. Et pourtant j’ai envie d’aller courir quand même. Tu me poursuis, vous me poursuivez. Ces fantômes qui hantent mon sommeil, ces images qui guettent mon éveil. Mais courir me permet de faire plus attention à ma souffrance physique qu’à ces fantômes du passé.
Mais je ne peux pas m’enfuir. Des gens sont là. Ils sont en bas. Ils attendent que je change de chanson. Il croient que je ne suis mont vers mon ordinateur que pour faire le DJ. Mais ils n’ont pas vu mon regard furtif vers cette main qui glissait imperceptiblement le long d’une cuisse. On vient me narguer même chez moi. A la douleur succède l’humiliation. Il n’est plus nécessaire de voir mes amis ensemble. Il faut qu’ils amènent des gens de l’extérieur.
Ne m’étais-je pas promis de ne plus baisser ma garde ? Et pourtant, voir cette fille arriver chez moi ne m’a pas semblé étrange. Après tout je la connaissais déjà d’avant. On s’était déjà vu bon nombre de fois. Vu que la soirée s’organise chez moi, il n’est pas mal d’inviter des gens extérieur au petit groupe de départ. Et pourtant elle n’est pas venue ici sur simple invitation. Elle est là car son copain l’a amené avec lui. Tous les savent. Tous ? Sauf moi. Combien de fois faudra-t-il que je me rappelle de faire attention ? Je le sais que je ne suis pas capable de tenir les chocs émotionnels à moins d’y être préparé. Une fois de plus, ma trop grande confiance dans mon système de défense sociale m’a perdu.
Et revoilà ces images du passé qui resurgissent lorsque j’en ai le moins besoin. Rappelle toi me dit-on. Je me rappelle. Je me rappelle si bien que j’aimerai oublier. Mais j’ai si bien appris à retenir les erreurs des gens que j’en ai retenu les miennes. C’est bien beau de connaître les filles de son entourage pour les réutiliser contre lui, mais à quoi bon le faire si on se retourne ses propres failles contre soi ?
Cela me rappelle ce texte que j’avais écris il y a si longtemps. La mise en scène d’un orage psychologique. Qu’est-ce que c’est ? Ah, vous ne me connaissez pas bien alors. L’orage psychologique est le phénomène qui se produit lorsque je ne contrôle plus ma pensée. Je subis ces images qui m’arrivent devant les yeux, sans pouvoir les arrêter. C’est comme si tout le passé était joué en boucle, sous forme de photos, de bout de films… Un orage psychologique : toute la puissance de la nature déchaînée dans un seul esprit.
Et voilà que je contrôle petit à petit ce que je vois. Désormais je vois ces quelques lignes. J’entends ces gens en bas qui me demandent si ça va et à qui je réponds mécaniquement que oui, ou que j’ai des choses à regarder vite fait.
Partis. Ils sont partis. Me laissant seul me débattre avec les fantômes. Me laissant seul me souvenir ce qui j’étais avant, cette fille à mes cotés. Mais elle est loin, ainsi que son amour. Seul le souvenir reste me hanter, tel un chat qui ne sait pas changer de maison. Il est né en moi et y restera.
Me voici condamné à vivre avec mes expériences, avec mon passé. Me voici condamné à conjuguer le passé au futur. Me voici condamner à vivre…comme tout le monde.