Etre et paraître...
Pourquoi est-ce que les gens se plaignent tout le temps ? Pourquoi est-ce que tout doit être parfait dans leurs vies ? Ne peuvent-ils pas être heureux avec ce qu’ils ont ? Avec le moment présent ?
Non, il ne faut plus être, il faut paraître. Bienvenue dans
ce monde d’hypocrisie sans fin. L’important n’est plus d’être soit mais de
paraître autre. Ce que tue s, je m’en fous. Après tout, tu peux bien être ce
que tu veux, si tu ne veux pas me le montrer, je ne le connaîtrai jamais. Non,
ce qui m’importe, c’est justement ce que tu me montres. Un enfoiré qui se cache
sous un air de gentil ; un gentil qui se cache sous un ait d’enfoirée. On
ne connaît que la surface des gens que l’on croise.
Regarde cet homme que tu croises tous les matins à l’arrêt de bus. Chaque matin
tu arrives et il est là, son journal bien plié posé sur ses genoux. D’un main
il sort une montre de sa poche, de l’autre il tient sa pipe. Geste familier
pour toi, ou habitude pour lui ? Les deux en fait. Voilà deux ans que tu
prends ce bus chaque matin, à ce même arrêt, que tu croises ce petit bonhomme
qui s’arrête deux arrêts avant le tien. Peut-être qu’un jour il changera.
Peut-être qu’il descendra plus tôt, ou plus tard… Peut-être qu’il ne viendra
pas tout court. Qu’est-ce qui te gêneras alors ? Le fait qu’il ne soit pas
là, le découverte de la différence s’étant inscrit dans ta routine
habituelle ? Eh oui. N’est-ce pas normal après tout. Mais la question
qu’il faut te poser n’est-elle pas la suivante : qui est-il ? Non, tu
ne t’es jamais posé la question. Pour toi, c’est un petit vieux qui fume la
pipe, lit le même journal depuis des années et descend deux arrêts avant toi.
Lui as-tu déjà dis bonjour ? Non, jamais. Certes, de temps en temps tu
oses un petit geste de la main, un regard, ou un hochement de la tête. Mais tu
n’es jamais allé t’asseoir à coté de lui pour lui demander qui il est, d’où il
vient… Ce n’est qu’un figurant dans ce film qu’est ta vie, défilant le long des
images sur la pellicule qui tourne sans fin, attendant de se casser lorsque le
moment sera venu de terminer la séance. Un personnage qui sert des fois à faire
la transition entre ton petit chez-toi douillet et ton bureau froid. Mais la
plupart du temps c’est un tableau dans un musée : un parmi tant d’autres.
Un truc, une chose. Quelqu’un qui ne sert qu’à combler le vide que serait ce
siège dans l’abri bus s’il n’était pas là.
La surface des gens qu’on croise. Eh ouais mon gars : ce qui t’intéresse c’est ton petit nombril. Et encore, tu te fous royalement de ce qui se passe dans ton nombril, ni même pourquoi tu fonctionne comme ça. L’important, c’est que tout marche comme tu le souhaite. L’important, c’est de réussir à apparaître comme quelqu’un de bien, de respectable. Pas comme un petit vieux qui lit son journal en fumant la pipe… Qui pourtant l’air d’être bien heureux lui. Qui pourtant a essayé maintes fois de te dire bonjour mais tu n’as jamais songé à y porter une quelconque attention tant tu es omnubilé par ton lacet qui vient de casser, te ruinant ainsi la journée. Est-ce donc si important ?
Et n’es-tu pas fier de faire partie de ton association contre le racisme ? Si, bien sur. On ne fait jamais attention à ces gens de couleurs différente de la tienne et qui pourtant mérite du respect. Mais réfléchis bien : sont-ils si différents du petit vieux de l’abribus ? Pourquoi méritent-ils plus d’attention ? C’est pourtant simple : parce que ça fait bien de s’occuper d’eux. T’as aidé une vieille à traverser un boulevard à l’heure de pointe ? Et alors ? T’as défendu un jeune noir (ou arabe ou autre) qui se faisait violenter ? C’est bien !
Les gens se plaignent parce que l’image forme notre société. Parce que la générosité et la gratuité n’existe plus. Même les plus grands, même les idoles de votre pays sont comme cela. Vous croyez réellement qu’une personnalité de renommé internationale qui gagne un salaire que vous n’arrivez même pas à calculer s’occupe de petits enfants africain parce qu’ils sont gentils ? Réveillez vous : ils sont comme vous. Ça leur rapporte de l’argent, ou leur fait de la publicité, ce qui rapportera de l’argent sur le long terme. Rien n’est gratuit dans ce bas monde. Et les gens se plaignent parce qu’ils le savent mais ne veulent rien y faire tant ils sont fainéants.
Avant de monter sur vos grands chevaux, avant de dire que vous voulez sauver la planète, regardez donc à coté de vous. Regardez ce petit vieux que vous croisez tous les matins.
Et maintenant, posez vous les bonnes questions… Vous trouverez peut-être les bonnes réponses.